Le paysage de l’industrie automobile a été profondément marqué par l’engagement des constructeurs envers l’électrification, souvent présentée comme l’avenir incontournable du secteur. Cependant, des réalités économiques, technologiques et de marché viennent complexifier cette transition. Volkswagen, autrefois à la pointe de cette révolution, incarne ce recentrage stratégique vers des motorisations plus conventionnelles. Cette dynamique s’observe également chez d’autres grands noms de l’automobile, témoignant d’un revirement plus général.
Volkswagen, après avoir misé massivement sur le tout électrique sous la direction de Herbert Diess, amorce aujourd’hui un retour partiel vers les motorisations thermiques. L’arrivée d’Oliver Blume à la tête du groupe a marqué ce tournant. Ce dernier a annoncé une réduction significative du budget alloué à l’électrification, amputé d’un tiers pour permettre un réinvestissement dans le développement de nouveaux modèles thermiques. Cette réorientation est justifiée par des réalités du marché et les coûts prohibitifs de l’électrification à grande échelle, tout en reconnaissant les défis persistants associés aux véhicules électriques (VE).
En effet, malgré l’engouement initial, les ventes de VE n’ont pas atteint les niveaux escomptés. Des problèmes techniques, notamment liés aux logiciels, et la concurrence accrue des marques chinoises et de Tesla, ont freiné l’ascension de Volkswagen dans ce secteur. Parallèlement, l’augmentation des coûts de l’électricité et les infrastructures de recharge encore insuffisantes compliquent l’adoption massive des VE par les consommateurs. Ce dernier point est crucial car sans une infrastructure adéquate, les consommateurs restent réticents à franchir le pas vers l’électrique.
Volkswagen n’est pas un cas isolé. Plusieurs constructeurs ont révisé leurs ambitions en matière de VE face à des réalités économiques et de marché qui rendent cette transition plus complexe que prévue.
Mercedes-Benz avait initialement prévu de vendre uniquement des véhicules électriques d’ici 2030, mais la demande insuffisante l’a conduit à revoir cette stratégie. Désormais, la marque allemande ne s’attend plus qu’à ce que 50 % de ses ventes soient électriques en 2030, repoussant ainsi l’échéance pour l’abandon des moteurs thermiques à 2035.
Ford, qui ambitionnait d’abandonner les moteurs thermiques en Europe dès 2030, a également modéré ses attentes. Les tarifs élevés de ses VE par rapport à la concurrence ont poussé le constructeur à maintenir une offre hybride pour répondre à une demande qui ne suit pas les prévisions initiales.
Renault et Jaguar Land Rover rencontrent des difficultés similaires. Le premier a exprimé ses doutes quant à la capacité de l’industrie à atteindre l’objectif de 100 % de ventes de VE en 2035, tandis que le second a reporté plusieurs lancements de modèles électriques, optant pour une transition plus douce avec des véhicules hybrides.
Aston Martin et Bentley, deux marques de luxe, ont aussi ralenti leur passage à l’électrique, citant une demande limitée pour des modèles 100 % électriques à des prix élevés. Ils misent plutôt sur des hybrides rechargeables qui combinent des éléments de motorisation traditionnelle avec des technologies électriques, répondant ainsi aux attentes d’une clientèle encore attachée aux performances et sensations des moteurs thermiques.
Ce recentrage vers des motorisations thermiques ou hybrides par ces constructeurs ne signifie pas un abandon de l’électrique, mais plutôt un ajustement pragmatique aux réalités du marché. Les défis actuels, notamment les coûts élevés des VE, l’insuffisance des infrastructures de recharge, et la dévaluation rapide des véhicules électriques d’occasion, comme en témoigne la forte décote de modèles tels que la Porsche Taycan, incitent les industriels à diversifier leur offre.
Les constructeurs semblent donc s’orienter vers une transition plus graduelle, combinant développement de nouvelles motorisations thermiques, notamment hybrides, et poursuite de l’innovation dans le secteur électrique. Cela permet de répondre à la demande actuelle tout en se préparant à un futur où l’électrique pourrait devenir plus dominant, lorsque les infrastructures et les coûts auront évolué favorablement.
En somme, si l’électrique est présenté comme l’avenir de l’automobile, la route vers cette transition est semée d’embûches. Les récents ajustements stratégiques de Volkswagen et d’autres constructeurs montrent une prise de conscience des défis économiques et technologiques à surmonter. Le chemin vers une adoption massive des véhicules électriques sera progressif, nécessitant une évolution des infrastructures, une réduction des coûts et une amélioration de la technologie, avant que l’électrique ne puisse prétendre à être la solution universelle pour l’industrie automobile.