Personne n’a pu passer à côté des récentes publications de Jaguar sur son nouveau concept, la Type 00. Un clip étonnant, mais une présentation qui a fait grincer des dents, qualifiée par beaucoup de “woke” tant elle tranche avec le prestigieux passé de la marque. Alors, quelle mouche a piqué Jaguar pour sortir un tel véhicule ?
Chez WOT, notre première pensée a été que nous assistions peut-être au meilleur coup publicitaire jamais réalisé dans le domaine automobile. Avec 3,6 millions de vues sur YouTube et une publication relayée par des figures comme Elon Musk, on aurait pu croire à une blague orchestrée par Jaguar : un simple concept choc, sans intention de le commercialiser. Mais la réalité est bien plus déroutante. Ce concept reflète le nouvel état d’esprit de la marque, bien plus qu’un simple exercice de style.
Depuis plusieurs années, Jaguar semble perdre son éclat. Les modèles peinent à séduire : design vieillissant, prix élevés, technologies en retard sur la concurrence, sans oublier des motorisations souvent critiquées pour leur fiabilité. Résultat : seulement 360 000 véhicules vendus en 2024, un chiffre bien en deçà des attentes du constructeur qui prévoyait le million. La marque semble au bord du gouffre.
Pour redresser la barre, Jaguar a annoncé un plan ambitieux de 10 milliards d’euros. L’objectif ? Se repositionner dans le segment de l’électrique très haut de gamme, avec une GT électrique prévue pour 2026. Son prix ? Environ 130 000 €. Une stratégie qui a tout l’air d’un pari risqué.
Sous la direction de Rawdon Glover, Jaguar a choisi de casser les codes, quitte à surprendre (ou décevoir) ses fidèles. Une étude interne aurait révélé que les clients de la marque privilégient le design et le confort intérieur bien au-dessus des performances et de la motorisation (qui arriveraient qu’à la 13ᵉ position). Cela fait écho aux déclarations du PDG de Mercedes-AMG, Michael Schiebe, qui affirmait récemment, dans une étude similaire, que les passionnés de V8 n’hésiteront pas à adopter les voitures électriques. Selon lui, les clients recherchent avant tout la technologie et l’innovation, reléguant la puissance brute des moteurs thermiques au second plan. Des propos qui suscitent autant d’interrogations que de débats.
Inspiré par des campagnes disruptives comme celle d’Apple en 1984, Jaguar a voulu frapper fort avec une vidéo audacieuse et colorée, marquant une rupture nette avec son passé. Un passé qui, de manière surprenante, est totalement laissé de côté dans cette démarche. Cette stratégie de tabula rasa vise à redéfinir l’identité de la marque en misant tout sur l’inattendu.
Le virage est si radical que Jaguar prévoit de cesser la commercialisation de ses modèles actuels dès 2025 (à l’exception du F-Pace), et ce, jusqu’au lancement de son nouveau produit phare. Mais cette décision cache une pression économique importante : le spectre des lourdes taxes CO2 qui menacent une gamme actuelle trop peu électrifiée. Se retirer du marché pendant plus d’un an peut sembler audacieux, mais à ce niveau, cela relève presque du pari suicidaire. Une question subsiste : les clients accepteront-ils ce saut dans l’inconnu ?
Le nouveau concept n’a pas laissé indifférent, mais pas dans le sens espéré. Nouveau logo, design controversé, campagne axée sur la diversité : Jaguar s’est attiré un torrent de critiques sur les réseaux sociaux. Accusée de céder à la “culture woke”, la marque peine à convaincre. Rawdon Glover lui-même a dénoncé le “niveau de haine et d’intolérance ignoble” visant Jaguar.
Le véhicule, quant à lui, présente un design inédit : face avant monolithique, passages de roues marqués, absence de lunette arrière remplacée par des caméras. Mais l’arrière, avec ses feux dissimulés derrière une grille façon climatiseur, divise. Côté technique, la Type 00 propose un moteur électrique de 600 chevaux, une autonomie de 700 km… et beaucoup de scepticisme.
Difficile de nier que les véhicules électriques manquent souvent de passion. Là où les moteurs thermiques proposaient une identité forte à travers leur sonorité, leurs performances ou leur caractère, les électriques tendent à s’uniformiser : mêmes batteries, mêmes plateformes, mêmes moteurs. Cela complique la différenciation, même pour des marques prestigieuses.
Prenons l’exemple de Porsche. Pourquoi payer plus cher pour un Macan Electrique lorsque l’Audi SQ6 offre une alternative tout aussi performante, mais plus compétitive ? Et ne parlons même pas des alternatives chinoises qui parviennent même à surclasser le géant de Stuttgart.
Face à cela et de façon assez compréhensible, Jaguar mise sur l’audace esthétique et le design disruptif pour se démarquer. Mais peut-on réellement remplacer la passion mécanique par une approche purement visuelle ? Si même Porsche, avec son héritage, a du mal à séduire, on peut se demander si Jaguar trouvera la recette pour rallumer cette étincelle chez ses clients.
Selon nous, Jaguar aurait dû emprunter une autre voie, en s’appuyant sur son riche héritage plutôt que de tourner brutalement le dos à son passé. L’histoire et l’ADN de Jaguar regorgent de succès iconiques, notamment dans les domaines du sport automobile et des voitures de grand tourisme. Alors, pourquoi ne pas capitaliser sur cet héritage en proposant un modèle néo-rétro ? Une voiture qui marie les codes intemporels de la marque avec une touche de modernité aurait pu insuffler un renouveau bien plus authentique et puissant.
Cette réponse, c’est TWR qui l’a donné. Hasard du calendrier ? Quelques jours après la présentation de la Type 00, le constructeur TWR a récemment démontré ce que “disruptif” signifie réellement avec son restomod de la mythique Jaguar XJS : la Supercat. Ce projet, qui revisite une icône des années 70-90, incarne tout ce que Jaguar aurait pu être aujourd’hui : un hommage vibrant à son passé glorieux, mais avec des performances et un design taillés pour séduire les amateurs de belles mécaniques. Avec son V12 compressé délivrant 667 chevaux, sa boîte manuelle et son esthétique racée, la Supercat prouve qu’il est possible de réconcilier tradition et modernité.
En refusant de céder à la nostalgie et en négligeant son patrimoine, Jaguar a peut-être raté une occasion en or de faire vibrer ses fans tout en attirant une nouvelle génération de passionnés. Là où TWR rappelle au monde entier que l’âme d’une Jaguar ne s’efface pas, la marque elle-même semble l’avoir oublié. Une erreur stratégique, selon nous, qui aurait pu être évitée en restant fidèle à ses racines tout en innovant.
Avec ce virage audacieux, Jaguar prend un risque colossal. Miser sur une révolution esthétique et conceptuelle, en délaissant l’ADN de la marque, pourrait bien être un pari perdu d’avance. Mais qui sait ? Peut-être que 2026 nous prouvera le contraire. Chez WOT, on reste sceptiques.